Sarcoïdose oculaire et uvéite : causes et traitement

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La sarcoïdose est une maladie inflammatoire rare, granulomateuse et systémique d'étiologie inconnue. Elle se caractérise par la formation de granulomes épithélioïdes et giganto-cellulaires sans nécrose caséeuse, pouvant toucher une grande diversité d’organes, notamment les poumons, la peau, le système lymphatique et les yeux. Parmi les patients touchés, l’atteinte oculaire est présente dans 30 à 60% des cas, souvent révélatrice ou associée à des atteintes extra-ophtalmologiques, et peut compromettre le pronostic visuel.

Épidémiologie et groupe à risque

La sarcoïdose touche prioritairement les adultes jeunes, généralement entre 20 et 29 ans. L’incidence est très faible avant 15 ans et rare avant 4 ans. Certaines populations – Noirs américains, Hispaniques, Scandinaves, Antillais – sont davantage exposées. L’atteinte ophtalmologique prédomine chez la femme avec un ratio net pour les plus de 65 ans. La prévalence des uvéites associées à la sarcoïdose varie selon les régions.


Sarcoïdose, pros plan d'un œil humain avec la pupille dilatée, montrant la surface colorée de l'iris et les vaisseaux sanguins dans la conjonctive.

Manifestations ophtalmologiques :

Typologie des atteintes oculaires

La sarcoïdose peut intéresser toutes les structures du globe oculaire, des annexes à la rétine. La pathologie est bilatérale dans la grande majorité des cas.

  • Uvétite antérieure fréquente : chronique, granulomateuse, caractérisée par des précipités rétrodescemétiques en "graisse de mouton", nodules de Koeppe et Busacca sur l’iris, forme uni- ou bilatérale.

  • Uvétite intermédiaire : hyalite, amas de cellules vitréennes ("snowballs"), parfois banquise, complications telles que tractions ou décollement de rétine.

  • Uvétite postérieure et panuvéite : vascularite rétinienne segmentaire, choroïdite multifocale périphérique, œdème maculaire cystoïde, nodules choroïdiens, granulome papillaire, manifestations papillaires et atrophie optique.

  • Autres manifestations : hypertrophie des glandes lacrymales, nodules conjonctivaux, scléraux, complications du nerf optique.

Manifestations systémiques et associations

Dans la sarcoïdose, l’atteinte thoracique (adénopathies hilaires bilatérales, infiltrats pulmonaires) est la plus fréquente (90% des cas). Les patients sont orientés vers un bilan complet (scanner thoracique haute résolution, ECA, lysozyme, bilan hépatique…) avec le concours d’un pneumologue dédié.

L’atteinte neurologique (paralysie faciale, méningite lymphocytaire atteinte du nerf optique), cardiaque (arythmie, insuffisance ventriculaire), dermatologique (érythème noueux), et autres sites (foie, os, rein) peuvent parfois être présentes dans le tableau.

Diagnostic

Les outils du diagnostic

  • Examen clinique : lampe à fente, recherche systématique de précipités granulomateux, nodules iriens, lésions rétiniennes périphériques, examen du fond d’œil.

  • Paraclinique : radiographie thoracique, scanner thoracique, parfois IRM cérébrale, dosage de l’ECA/lysozyme, bilan immunologique, intradermoréaction tuberculinique, lavage broncho-alvéolaire

  • Biopsies : conjonctive, glande lacrymale, nodules, bronciques étagées,

La collaboration entre ophtalmologue et pneumologue et interniste est essentielle pour parvenir à un diagnostic sûr, en éliminant les autres causes d’uvéite granulomateuse (tuberculose, VKH etc;)

Il existe des es critères IWOS internationaux (International Workshop on Ocular Sarcoidosis) pour établir des niveaux de certitude : sarcoïdose prouvée (histologie + uvéite compatible), sarcoïdose présumée (adénopathies hilaires bilatérales + uvéite), sarcoïdose probable ou possible selon la combinaison de critères cliniques et généraux.

Diagnostics différentiels

La sarcoïdose oculaire partage des signes cliniques avec plusieurs autres pathologies :

  • Tuberculose oculaire (granulomes, choroïdite, vascularite)

  • Maladie de Lyme (vascularite, papillite, uvéite postérieure)

  • VKH (uvéite granulomateuse bilatérale diffuse, signes neurologiques/auditifs)

  • MICI

  • Sclérose en plaques (uvéite intermédiaire)

Nous disposons d’un algorithme décisionnel permettant de distinguer ces entités et d’établir le meilleur parcours diagnostique.

Prise en charge thérapeutique

Traitements de première intention

  • Corticothérapie : par voie topique (collyres de dexaméthasone, mydriatiques), injections péri-oculaires pour les formes unilatérales, ou systémiques (prednisone orale) en cas de lésions bilatérales ou postérieures.

  • Bolus iv dans les formes sévères ( décollement de rétine, œdème papillaire, vascularites occlusives).

  • Le traitement local est privilégié en cas d’uvéite antérieure ; le traitement systémique est nécessaire si le retentissement visuel est majeur ou pour les formes chroniques avec atteinte postérieure.

Alternatives thérapeutiques

  • Immunosuppresseurs : méthotrexate (première intention), azathioprine, à visée d’épargne cortisonique.

  • Biothérapies : anti-TNF alpha (infliximab, adalimumab) proposés en dernier recours sous contrôle étroit, selon les recommandations de la société française d’ophtalmologie.

Suivi et gestion des rechutes

La surveillance clinique régulière (examen clinique à la lampe à fente et du fond d’oeil, tomographie par coherence optique (OCT), angiographie) est capitale pour évaluer la réponse au traitement et prévenir les rechutes. La majorité des patients est suivie sur plusieurs années, garantissant une adaptation rapide du traitement en cas de récidive ou d’apparition de nouveaux symptômes.

Pronostic et complications

Le pronostic visuel dépend de plusieurs facteurs :

  • Retard à la prise en charge (>1 an), âge avancé, sexe féminin

  • Présence ou non d’une uvéite postérieure, de lésions rétiniennes périphériques, d’œdème maculaire cystoïde

  • Apparition de cataracte, glaucome secondaire

  • Réponse aux traitements

Conseils aux patients et FAQ

  • Toute symptomatologie oculaire persistante (rougeur, baisse de vision, douleurs), associée ou non à des troubles respiratoires, doit faire l’objet d’une consultation spécialisée

  • Ne pas arrêter brusquement son traitement, car la sarcoïdose oculaire est sujette à rechutes fréquentes.

  • Prévenir son pneumologue et ophtalmologue en cas de toux persistante, dyspnée, fièvre ou apparition de nouvelles lésions cutanées.

  • Un suivi à long terme est essentiel pour préserver le pronostic visuel et général.

Conclusion

La sarcoïdose oculaire est une entité chronique, souvent bilatérale, qui nécessite une prise en charge spécifique pour préserver la vision et réduire les risques de rechute. Vous trouverez par ailleurs le lien vers un article de l’Encyclopédie Medico Chirurgicale (EMC), rédigé par le Dr Sawsen SALAH-BERLY : https://www.em-consulte.com/article/1284730/sarcoidose

Sarcoïdose, Image d'un œil vu lors d'un examen, montrant la rétine avec des vaisseaux sanguins et une zone blanche ou anormale sur la partie supérieure.